West India Quay

Entre le ciel et le fleuve, tout bascule

December 16, 2016
microrécit

Dans le port du West India Quay, des barges longues et rouillées tanguent doucement. L’eau de la Tamise érode la couleur de leurs coques. Elles ont près de 100 ans, mais le pont, lui, est tout neuf.

Il paraît qu’il est mobile, qu’il monte et qu’il descend pour laisser passer les barges de temps en temps. Elles ne voyagent pas beaucoup, ces longues barges. Elles reposent à l’ombre d’immeubles immenses sur lesquels brillent des lettres : JP Morgan, Thompson-Reuiters. Sur les barges aussi, des mots. Le nom des bateaux. Dana. Spes Secunda. Elles baignent au niveau de l’eau du fleuve, et les tours grattent le ciel. Entre les deux, tout bascule.

Déjà, on vidait les embarcations de charbon, de sucre, de rhum pour les emmagasiner dans un édifice de pierre. La main d’œuvre du West India Quay charriait les cargaisons de l’eau à la terre, et vice-versa. Ce charbon qu’ils ont porté a alimenté le feu qui a calciné l’économie locale sur laquelle s’érigeraient les hautes tours. Là-haut, les hommes ne produisent rien, ils ne font qu’échanger. Ils amassent de l’argent volatile d’un bout à l’autre de la planète.

La richesse, elle est partout, mais pas sur le quai où il n’y a plus d’ouvriers qui charrient le charbon. Il y a seulement des barges qui ne sortent plus du port à cause d’un pont qui ne lève même pas.